« ma mémé Julie »
L’autre jour, ma mémé Julie est venue me voir à l’atelier…
Elle avait l’air en pleine forme, même qu’elle portait un tablier à fleurs. Je l’ai remarqué parce que ça m’a étonnée.
Oui, ma mémé, elle s’habille toujours en noir. Comme beaucoup de femmes nées au début du siècle, elle a perdu son premier enfant avant même de connaître la couleur de ses yeux, le cristal de son rire.
Son deuxième fils, il est mort de la tuberculose à 20 ans.
Et ça a continué comme ça, tout au long de sa vie: sur 7 enfants nés, elle en a enterré 5.
Elle a débarqué comme ça, sans crier gare, ça faisait longtemps que l’on ne s’était pas vu … Depuis juin 1981, je pense, quelques jours avant sa mort.
Dans le temps, on disait d’elle: « quelle belle femme». Grande blonde au port altier, elle veillait sur ses tant aimés Bougnats, bruns et trapus.
Un visage d’ange, une volonté de fer, une santé à toute épreuve.
Certains la disaient dure et sévère, mais pour moi, son giron a toujours été le plus doux des refuges.
Je revois sa noire silhouette, épaissie par le temps, noble esseulée aux mains jointes dans le dos, explorer le village déserté par les siens.
Tellement vivante.
Elle est morte dans un éclat de rire.